TREVE HIVERNAL POUR LE LOGEMENT PRIVE
LE BAILLEUR PRIVE VA-T-IL DEVOIR PALLIER LA CARENCE DE L’ETAT ?
Nous savons que le logement de la population ne bénéficiant pas de revenus importants est devenu très problématique. De nombreux futurs locataires se sont vu refuser l’accès à un logement en raison de leurs faibles ressources (allocations de chômage ou du CPAS par exemple).
Les bailleurs en ce qui les concerne se retrouvent de plus en plus après quelques mois de location avec des loyers impayés et un bien de plus en plus mal entretenu ou dégradé par leurs locataires.
La situation est particulièrement inquiétante en Région bruxelloise et en Wallonie. A Bruxelles, la nouvelle majorité a tenu compte de cette inquiétude relative au logement pour inscrire dans son programme un moratoire quant aux expulsions des locataires ne respectant pas les obligations contenues dans leurs baux.
Il est prévu pour le logement public « Afin d’assurer une plus grande sécurité aux personnes précarisées et de limiter les situations de sortie de logement, le Gouvernement adoptera une législation claire pour encadrer les expulsions, notamment par le biais d’un moratoire hivernal pour le logement public non actuellement couvert par un tel moratoire. Cette période de trêve hivernale s’étendra entre novembre et mars ¹».
Si il est du devoir d’un état de veiller à ce que les plus démunis ne se retrouvent pas en pleine hiver dans la rue, il est de son devoir également de trouver des solutions d’hébergement pour ceux qui ne sont pas loger dans des logements publics mais bien dans des logements privés et qui vont être expulsés parce qu’ils ne peuvent plus assurer le payement de leur loyer.
Cette solution ne réside certainement pas dans le fait d’imposer aux bailleurs privés le même moratoire qu’aux bailleurs public.
Or, le programme du gouvernement bruxellois prévoit : « La possibilité de l’établissement d’un tel moratoire au logement privé sera analysée en parallèle avec un mécanisme d’indemnité compensatoire pour les propriétaires. Il s’agira en outre de renforcer la lutte contre les expulsions illégales² ».
Imposer ce moratoire aux bailleurs privés pose beaucoup de questions :
- N’y-a-t-il pas remise en cause du droit de propriété ?
- De quelle indemnité compensatoire parle-t-on ?
- Quand l’indemnisation interviendrait-elle ?
- Qui la prendra en charge ? Les CPAS ?
- Comment le bailleur fera-t-il face à ses propres échéances bancaires ?
- Dans quel état le bailleur va-t-il retrouver son bien ?
- Comment le bailleur fera-t-il durant ces mois d’interdiction d’expulsion pour retrouver dans de bonnes conditions un autre locataire avec les difficultés de visite du bien que l’on imagine ?
- Cette interdiction d’expulsion durant quasiment 5 mois (1er novembre au 15 mars) ne peut-elle être assimilée à une expropriation ?
- Le Gouvernement pense-t-il inciter de cette manière le particulier à investir dans le logement ? Cela ne va-t-il pas entrainer une raréfaction de l’offre et par conséquent une augmentation des loyers ?
La formule parait donc très hasardeuse et ressort d’une volonté de l’état de palier la carence en logements publics par la mise à disposition forcée par les bailleurs privés de leurs biens.
L’avenir nous dira quelle formule va être adoptée.
1 Le cri, novembre 2019, n°438, p. 5
2 Le cri, op. cit., p. 5